LA "KIVUTIALISATION" DU KATANGA : LES PYGMEES, ARBRE QUI MONTRE LA FORET !



Réconciliation: nn May-may rend ses fétiches. Photo M3 Didier, 2014.

Le Katanga traverse une période particulière difficile depuis voici plus de 3 ans. A défaut d’une réponse politique urgente de Kinshasa et de Lubumbashi, le nord plonge chaque jour qui passe dans une crise à chaque trimestre nouvelle. Comme on passe du triangle de la mort au polygone de la mort, on passe aussi des crises des frustrations des May-may, de la quête de l’indépendance des Bakata Katanga, à un conflit entre Bantous et Pygmées. Depuis une semaine, le monde est alarmé sur une « extermination » des pygmées, d’après un rapport de la Monusco. C’est gonflé, il faut le dire. Mais la réalité reste là  pointue comme un clou dans une plaie. Réactions !
Les réactions, à cette macabre annonce de la Monusco n’ont pas trainé. RFI, France 24, Radio Okapi et bien d’autres médias locaux ont repris l’information. Il faut dire que la Monusco a gonflé le dossier et ce n’est pas pour rien. Il faut, je crois bien et je peux me tromper, il faut de nouvelles raisons de donner de l’importance à la crise oubliée, la crise du Katanga. Si tel est l’objectif, alors avouons que la procédure est mal choisie. Mais voici d’abord ce qui se passe dans la région nord du Katanga, dans le Tanganyika, d’après les informations à ma disposition.
Reconciliation entre Pygmées et Bantous. Photo M3 Didier, 2014.
Les origines de la crise
Depuis 2011, les pygmées et les bantous vivent à couteau tirés. Le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires, OCHA, a expliqué dans une de ses publications qu’à l’origine, les May-May, traqués par l’armée et la police, ont accusé les Pygmées de les dénoncer auprès des services de sécurité. En retour, les Pygmées accusaient les bantous de ne les accepter épouser chez eux (des hommes Pygmées prendre des femmes chez les bantous). Sociologiquement, cela suffit pour qu’un conflit naisse et il est né.
Un sanctuaire de l’enfer
Lorsqu’en 2011 Gédéon Kyungu Mutanga sort spectaculairement de la prison de Kassapa à Lubumbashi, en pleine journée, il rejoint ses acolytes dans sa région de prédilection : le nord du Katanga qui va devenir le « Triangle de la mort » (aujourd’hui Polygone de la mort étant donné qu’il s’est étendu), termes utilisés par les milieux onusiens ! Cette région regorge de ressources naturelles précieuses : or et caciterite (ce précieux minerai qui entre dans la fabrication d’appareils électroniques et qui aliment les violences au Kivu), de quoi alimenter les violences. Raison pour laquelle d’ailleurs, je le crois bien, les Raïya Mutomboki sont descendus du Kivu pour étendre leur empire jusqu’au Katanga, un sanctuaire de l’enfer et le lieu de toute impunité. L’Etat y est absent, l’armée et la police également ou, s’il y a exception, c’est en nombre insuffisant.
Il se passe plusieurs mois, voire une année avant de reconnaître qu’il y a un problème dans le Tanganyika, au Katanga. Et les humanitaires, et les politiques congolais, et la communauté internationale, tous dort jusqu’au jour où l’on parle de « crise oubliée » et Triangle de la mort. Une crise jusqu’ici, après tout, toujours oubliée ! Pendant ce temps, les May-May et les Bakata Katanga qui ont réussi à entrer dans Lubumbashi en pleine journée et hisser le drapeau du Katanga Indépendant, tuent, massacrent, incendient écoles, dispensaires maisons et églises, et se nourrissent même de la chair humaine.
En retard et insuffisants !
L’État se réveille tardivement et tente plusieurs missions pour mâter les groupes armés, mais ils sont toujours insaisissables puisque l’armée n’y est toujours qu’en petits effectifs. Et lorsque l’armée les attaque dans un territoire, ils passent dans un autre. Pendant ce temps, d’autres petits groupes se forment derrière l’armée qui pourchasse les premiers. C’est infernal ! Les May-May ont poussé les communautés, même parmi les bantous, à former des groupes d’autodéfense.
On comprend dès lors que comme les autres communautés, les Pygmées aient voulu vivre en paix et se protéger. Surtout qu’en 2011, une trentaine de femmes de cette communauté et des enfants parmi elles, avaient été tuées et brûlé a rapporté OCHA. Ceci constitue un antécédent qui pourrait bien expliquer l’organisation d’un groupe d’autodéfense chez eux. Malheureusement, cela a déplus aux May-May qui en réalité sont des Bantous.
Il faut aussi souligner que le terme May-may est devenu tellement générique qu’il prêté à des confusions sérieuses... groupe d’auto-défense, à l’origine avec des armes traditionnelles… voilà ce qu’il pourrait signifier. Mais tout désormais s’appelle May-may, même les petits bandits et coupeurs de chemins. Ce qui implique que même lorsque ce ne sont pas les véritables May-may (j’entends ici ceux apparentés à des seigneurs de « guerres » bien connus) qui ont agi, cela tombe sur les May-may. J’ai même appris qu’il y aurait même des pygmées May-may, même apparenté à ces Seigneurs de guerre.
Un Officier FARD se réjouit avec les réconciliés. Photo M3 Didier, 2014.
Entre dimanche 2 et mercredi 6 août dernier, il y a eu des pygmées tués. On ne sait combien exactement. Cela s’est passé à Ankoro, dans le territoire de Manono. Un habitant de ce village joint par téléphone a décrit la situation comme « grave » avant de souligner qu’il y avait beaucoup de confusion au tour de ce qui s’est passé, et qu’il y avait beaucoup de mensonges. En juillet, ils étaient plus de 800 à se réfugier à Kabalo. Un défenseur des minorités a même été jugé au tribunal de grande instance de Kalemie pour « incitation à la violence » pour son appel lancé aux pygmées à se « libérer de la domination des bantous », un appel suivi des violences en juillet dernier, a estimé le procureur.
Pas de plan d’extermination… mais une aggravation dangereuse
Je crois, en toute logique, que monsieur Kobler a manqué de courage pour assumer ce qu’il a affirmé et a fait gober le monde. Parler d’extermination sous-entend une planification d’une tuerie, d’un massacre à la limite ; ce qui équivaut à ce pourrait s’appeler « génocide ». Ce serait en pareille circonstance d’exclure pareille éventualité, mais je vois mal que les explications comme ici présentées (je rappelle que mes sources sont les humanitaires qui probablement sont les mêmes pour monsieur Kobler), conduisent à un génocide ou à une extermination. D’ailleurs, dire à l’absolu que les pygmées sont des victimes inactives, ce serait aussi pas vrai. Ceci ne veut pas dire pour moi qu’ils ont quelque profit dans cette crise. Ce sont des victimes qu’il faut protéger.
Dans son bulletin hebdomadaire n°22/14 du 9 juillet 2014, OCHA écrivait :
 « 10 des 13 femmes enlevées par les pygmées au mois d’avril lors des attaques des villages - Kabonzo, Kamazembe, Masumbuko et Mudinda, localités situées à 160 km au nord-est de Manono- appartenant aux Lubas, ont été libérées le 20 juin. Selon une organisation internationale qui s’occupe de leur prise en charge, ces femmes ont besoin d’un suivi psychologique et médical, car elles ont été, pendant deux mois, séquestrées et violées par ces miliciens pygmées.  Leur état actuel nécessite une bonne prise en charge ainsi qu’un soutien pour leur réintégration sociale. Parmi elles, l’on compte des filles mineures rendues enceintes, suite au viol. »
  Urgences : les Pygmées et les bantous tous humains
Réconciliation Pygmées-Bantous. Photo M3 Didier, 2014.
Peut-on continuer à affirmer qu’il existe un plan d’extermination ? Je ne crois pas. Mais parlons de ce conflit qui à la limite, prend une tournure de manque de tolérance. Manque de tolérance, je le crois. Pourquoi donc ?
Dans le groupement Lambo-Katenga, Une cérémonie de réconciliation a été organisée par le ministre provincial de l’intérieur entre les pygmées et les bantous, avant de voir ressurgir des violences qui font débat aujourd’hui. Le problème tel qu’il se pose aujourd’hui me semble structurel plutôt qu’une simple haine. Il faut bien que soient éradiqués les groupes armés, et le conflit entre pygmées et bantous, les Baluba comme il est précisé par les humanitaires, s’arrêtera. Le principal problème c’est Gédéon, ses May-may et les Bakata Katanga.
543.000 déplacés depuis 2011 à Mitwaba, Pweto, Manono et désormais, Malemba Nkulu, Kabalo, Ankoro… les 43.000 sont enregistrés entre janvier et juin 2014 ! C’est dire que la situation humanitaire est médiocre et grave dans la région. Inutile de savoir combien de pygmées sont parmi ces déplacés. Ils sont là, comme tout le monde, en errance.
Réconciliation. Le ministre Juvénal KITUNGWA. Photo M3 Dider, 2014.
Il y a près de 2 mois, le ministre provincial Juvénal KITUNGWA a tenté de réconcilier les bantous et les Pygmées. Ils se  sont salués et ont rendu fétiches et armes comme vous pouvez le remarquer dans la vidéo de cet article. Malheureusement, deux semaines n’ont pas suffit, rebelote ! C’est dire que le problème qui est là n’est pas sérieusement entre les Baluba ou les Bantous et les Pygmées. Ils vivaient bien jusqu’au jour où les May-may, Les Bakata Katanga sont né… à maturité, ces dernier engendrent la division. Et donc, à mon avis, la solution à cette crise, c’est la fin de l’activisme des groupes armés et la présence de l’État dans le secteur. Il y a lieu de dire que plusieurs villages ne sont pas du tout gouvernés ou s’ils le sont, c’est alors mal fait.
Et les Pygmées, et les Baluba ou Bantous, tous ont besoin de protection et d’aide humanitaire. Le Katanga est en putréfaction progressive. J’ai parlé dans un autre article de la « Gomatisation de Lubumbashi », eh bien, cette fois-ci, c’est la "Kivutialisation" du Katanga. On ne devrait pas se servir d’une communauté pour réaliser des fins politiques.
L’intégration des pygmées dans la société congolaise, parmi les bantous n’a jamais réussi. Sans doute, il y l’absence des Politiques publiques d’intégration, surtout en ce qui concerne la scolarisation des enfants. Faudrait-il un traitement de faveur ? Peut-être, mais ce serait aussi une discrimination ! Les pygmées devaient sortir des forêts pour profiter de mêmes réalisations sporadiques de l’État pour tous à la fois.

Je n’ai rien dit : simplement libre de réfléchir sur un fait de ma société ! À chacun d’assumer la responsabilité de ses réflexions ou interprétations. Je n’ai pas de sous-entendu.













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