Samedi 7 mars,
des militants d’un groupe dissidents de l’Union pour la démocratie et le
progrès social (UDPS) ont bloqué et obligé le président fédéral à démissionner.
La scène a commencé au palais de justice, à Lubumbashi, où Bruno Tshibangu,
leader du groupe dissident, est poursuivi pour des tracts largués la veille des
événements du 19 au 23 janvier à Kinshasa contre la loi électorale.
Logo de l'UDPS. Source: @udpsmultimedia |Twitter |
Ce qui s’est passé samedi à Lubumbashi est digne
d’un film de prise d’otage où les acteurs sont bleus. Bleus, d’abord parce
qu’ils s’appellent ainsi. Ils sont moins connus du grand public de Lubumbashi,
mais ceux qui s’intéressent à la politique savent de qui il s’agit lorsqu’on
parle de « canard bleus. »
C’est la jeunesse un peu ultra de l’UDPS
dissidente de la fédération de Lubumbashi. Bleus en suite, parce qu’ils
prétendent faire de la politique et se laissent tromper par une déclaration
vide de sens. C’est dire simplement que Monsieur Kitule qu’ils ont « enlevé » selon les termes de
l’intéressé, alors sous menaces sérieuses des jeunes « armés des couteaux et lames de rasoir » et après avoir
pris quelques coups d’après certains témoignages, a écrit sur un papier : « Je dépose ma démission. »
Voilà qui lui a permis de se débarrasser de ses « ennemis ». Monsieur
Kitule reste encore jusque ce lundi, le chef de la fédération du parti.
Des Kinois barricadent la route, le 19 janvier 2015. |
Une affaire des
tracts du 18 janvier 2015
Le 18 janvier, la veille de la marche du 19 janvier
2015 qui a fait plusieurs victimes à Kinshasa et à Bukavu, des tracts invitant
à marcher et les parents à ne pas envoyer leurs enfants à l’école le lendemain,
avaient été jetés autour des églises. Les services de sécurité ont remonté la
file et ont arrêté Bruno Tshibangu comme un des auteurs de ces tracts. Le chef de
l’aile dissidente de la
fédération de l’UDPS Katanga a été transféré au parquet.
Son procès a commencé deux jours après. Le 4 mars, des militants de l’UDPS ont
marché jusqu’à la Monusco pour dénoncer l’arrestation de ce militant du parti
d’Etienne Tshisekedi. Samedi 7 mars, les « canards
bleus » ont « pris de force
Jean Kitule qu’ils accusent d’avoir dénoncé Bruno Tshibangu comme auteur des
tracts du 18 janviers. » Ils l’ont maintenu, « assis par terre durant longtemps » au palais de justice
avec la promesse « qu’il soit lui
aussi arrêté » comme Bruno, explique un témoin. Ces jeunes sont
présentés comme violents.
Se faire élire
comme Fabien Mutomb
La fédération de l’UDPS Katanga est en proie à des
divisions internes comme plusieurs autres à travers la RDC et la diaspora.
Seulement à Lubumbashi, la guerre semble porter sur les élections. Depuis
quelques années, il y a deux directions à Lubumbashi : une pro Félix
Tshisekedi et les députés exclus du parti parce qu’ils siègent dans une
assemblée que ne reconnaît pas Etienne Tshisekedi qui attend toujours exercer
ses prérogatives de président élu en 2011. Elle a à sa tête Bruno Tshibangu. C’est
une structure dissidente, non officielle et « sans
légitimité ni légalité » explique un membre du parti. Elle regroupe en
plus, selon un connaisseur du parti, des membres originaires du Kasaï opposés à
Jean Kitule. Un vieil ami d’Etienne Tshisekedi, une amitié datée d’un séjour
dans la prison de Buluo au Katanga durant la dictature de Mobutu avant la
naissance de l’UDPS, Jean Kitule lui est Katangais d’origine et est chef
coutumier dans un village proche de Lubumbashi. Agé de 81 ans, il n’a sans
doute pas d’ambition à se faire élire. Mais l’idée qu’il peut aligner tel et
oublier tel autre sur la liste des candidats du parti agite plusieurs.
Jean Kitule, fédération UDPS Lubumbashi. Novembre 2014. Ph. M3 Didier |
La bataille en cours a donc une visée électorale. L’UDPS
a bénéficié d’une image positive à travers ses animateurs, notamment le député
Fabien Mutomb très populaire à Lubumbashi, vice-président de la fédération
avant son élection. Des potentiels candidats aux élections à venir espèrent
rééditer l’exploit de ce tribun dont la formule semble, selon ceux qui s’en
inspirent, une forte présence dans l’audiovisuel. Cette présence se combine
avec une bonne configuration au sein du parti. Il faut donc occuper certains
postes et espérer bien s’aligner dans la bataille électorale. Or Kitule lui, en
ne se présentant pas aux élections, prive certains d’une aura due à un
président fédéral ou à un adjoint. Sans doute, c’est l’idée parti les frondeurs
ou dissidents (c’est selon). Mais ce que plusieurs semblent ignorer c’est que
Fabien avait bien d’autres atouts que la simple présence dans les médias :
une longue carrière au sein du parti, une personnalité propre qui a intéressé
des sympathisants.
Le tribalisme
L’autre raison de cette dissension porte sur des
clivages tribaux. Le chef coutumier Kitule est « ami d’Etienne Tshisekedi qui le maintient à son poste. »
Il ne le quittera probablement que sur décision de ce de son ami ou sur
décision propre. Le recours à la violence semble explqiuer l’impatience des « canards
bleus » rassurés de cette réalité. Mais il dirige une fédération dont les
militants sont majoritairement d’origine Kasaïenne, la même qu’Etienne
Tshisekedi. Certains voudraient que la fédération soit dirigée par ceux qui y
sont majoritaires. Mais hélas, dans l’UDPS il n’y pas du tout d’élection (de
démocratie ?) : on nomme !
La récente visite de Félix Tshilombo Tshisekedi au
Katanga, plutôt que de constituer une solution,
a accentué la crise qui existait. En arrivant, il était accueilli par la
structure parallèle, celle des dissidents. Il se faisait accompagner par les
députés Mutomb et Mulongo exclus du parti. Or, ces députés ont été désavoués
par toutes les deux structures. C’est pourtant eux qui ont sauvé Kitule des mains
des « canards bleus. » Jean
Kitule, alors blessé par cet accueil, dénonçait « le manque des qualités humaines » et de considération
de la part du fils de son ami président du parti.
Vous pouvez lire aussi: Félix Tshisekedi, du sang ou du venin nouveau pour l'UDPS ?
Grâce aussi aux services de sécurité, Kitule a eu la
vie sauve. mais aussi grâce au député Fabien Mutomb qui l'a tiré des mains des "canards bleus". ce député est cependant désavoué par le camp Kitule. Un mal qui toucherait une des parties à ce conflit pourrait se
révéler pernicieux. Dans cette province, les deux communautés ont une histoire
regrettable en pleine euphorie de démocratie, en 1991. Au tour des élections
pourrait naître encore beaucoup de conflits.
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