RDC : ce qui fait peur lorsque les évêques catholiques parlent

Lubumbashi, Eglise Catholique, CENCO
On ne peut renier à un citoyen congolais, au motif qu’il est prêtre ou évêque catholique, les droits politiques et civiques. La cathédrale Saints Pierre et Paul de Lubumbashi. Photo M3 Didier, décembre 2015.
Depuis novembre, après les appels des évêques catholiques en faveur du respect de la démocratie, les débats sont volontairement orientés vers un faux débat : le droit ou non des religieux de faire la politique. Une distraction, puisque la question ne se pose pas, en démocratie et là-dessus, la Constitution de la République démocratique du Congo est claire.
L’Etat congolais est laïc, c’est-à-dire, sans religion. Mais il reconnaît la liberté de religion (article 13) qui ne doit « en aucun cas », constituer un motif de discrimination pour les citoyens congolais (articles 11), quant à leur jouissance des droits civiques et politiques.

« Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique. »
Les droits politiques pour les évêques et prêtres catholiques
La démarcation entre Eglise et Etat, née des révolutions européennes, vers la fin du 18e siècle, a apporté une différence basée sur la vocation des institutions, pas des limitations. On ne peut renier à un citoyen congolais, au motif qu’il est prêtre ou évêque catholique, les droits politiques et civiques. Surtout lorsque d’autres religieux grouillent aisément dans les cabinets ministériels et dans les parlements. Même s’ils gênent par leur grande gueule, et c’est le nœud du problème, ils ont le droit d’entrer en politique, de se faire élire, pourvu qu’ils remplissent les conditions requises. Ce ne sont pas le droit Canon et la Constitution de la RDC qui les en empêchent. « Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois » (article 12). S’ils ne le font pas, c’est par une discipline, mieux une jurisprudence de l’Eglise. Malu Malu (même si, en principe, il n’a pas fait de politique à la CENI !) et Mosongwo, désormais une histoire passée, sont les seuls célèbres exemples à citer, mais ils ne peuvent égaler leurs frères protestants et des églises de réveil en politique !
Les catholiques connaissent le Congo qui souffre
A propos de citoyenneté et de service rendu à la nation, les catholiques sont des rares congolais qui connaissent les deux Congo jamais réconciliés : la ville que l’on tente de séduire avec des discours sucrés, et le village qui manque de tout, en termes des besoins fondamentaux. Tenez ! Finir un brillant doctorat en philosophie, par exemple, et rejoindre une petite paroisse dans un coin perdu de RDC, à vélo etparfois à pied, sans vraie route, électricité ni eau, où les offrandes atteignent rarement 20 USD la semaine, … il faut du cœur, une vocation ! Alors qu’ils pouvaient ouvrir une église dans un coin de rue en ville et se payer des voitures comme les autres ! Ils le savent malgré leurs injures, de passage dans leurs villages, plusieurs ministres et députés dorment au couvent y apprennent leurs contrées !
"Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire", Art.13, Constitution RDC. Photo M3 Didier, décembre 2015.
Ces religieux sont des rares, avec les protestants nés de la réforme de Luther, qui connaissent le Congo rural et ses douleurs. Les églises arrivent avec le développement. Plusieurs de nos villages et villes se sont développés autours des paroisses. A Kapanga, dans le Lualaba, par exemple, pour la première fois depuis 55 ans, Musumba[1]est électrifié grâce à un projet financé à 95% par la Commission de l’Union Européenne, à 5% par le Katanga. C’est bien grâce aux religieux Salvatoriens, auteurs de plusieurs œuvres dont la construction des ponts.
Ce qui fait peur lorsque les catholiques parlent
Certains discours des évêques catholiques ont peut-être choqué ou ont été poussé fort. Cela arrive, nul n’est parfait. Mais jamais, dans un discours, quelqu’un a prouvé qu’ils ont menti. Revoir la République démocratique du Congo replonger dans l’insécurité, comme tout le monde le redoute désormais, c’est bien ce que la CENCO essaye d’éviter, favorable ou non au dialogue. Il y a avant tout de l’honnêteté et de la justice que les politiques devraient enseigner à la société lorsqu’ils se battent ou jonglent avec les lois. Jeux périlleux !
Ce qui gêne désormais, c’est de voir ces citoyens qui ont la vraie mesure de la vie sociale du pays interpeller les politiques sur ce qu’ils devaient faire en toute responsabilité, il y a des années. Et ce qu’ils devraient faire, c’est préparer les élections bien avant, plutôt que de chercher désespérément un consensus à tout prix alors qu’il ne reste plus assez de temps pour ces élections. La CENCO garde la capacité de mobilisation des masses comme aucun regroupement politique ne peut le faire en RDC. Cela aussi inquiète et crée des soupçons chez certains, qui croient que Mgr Mosengwo est chef de l’église catholique en RDC à la manière des politique en dehors de qui rien ! Non, dans l’Eglise, l’église est locale et l’évêque chef chez lui ! Tous répondent du Vatican.




[1] Musumba est la capitale de l’empire Lunda, au nord-ouest de Kolwezi, dans le Lualaba.

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