L’opposition n’a pas eu envie de diriger en RDC

Photo M3 Didier, novembre 2015
Valeurs républicaines en péril en République démocratique du Congo. Opposition ou pouvoir, même recette, seules peut-être les cuisines changent. Ils font tous pareil. Mais pire encore, j’ai le sentiment que l’opposition n’a jamais voulu gérer ce pays, même quand le pouvoir était à portée de main.
La doctrine d’un pouvoir pour le pouvoir sans le peuple, en vogue en RDC depuis l’indépendance, s’exprime par un crédo plus simple : le chef, la fonction et la clique.
Pour faire simple : les politiques se battent pour leurs fonctions au lieu de se battre pour l’honneur, le devoir et la République. Si la république n’existe pas encore, c’est aussi la faute à l’opposition. Aussi surprenant que cela paraît, des opposants se battent non pas pour gérer.
La volonté de l’opposition de ne pas gérer la RDC en 5 points
1. Incapables d’élire un porte-parole de l’opposition comme l’exige la constitution, les oppositions de RDC ne savent pas non plus anticiper les actions et agir selon un plan propre à elles, en vue d’offrir un véritable contrepoids utile au pouvoir. Un devoir constitutionnel, en effet. En cela, cette opposition odieusement plurielle mais sans voix n’a pas aussi respecté la constitution. « Je me demande même s’ils planifient leurs actions », s’inquiète un religieux.
2. Après les contestées élections qui ont consacré la réélection de Joseph Kabila en 2011, il se passe 3 années pleines, l’opposition ne pousse pas le pouvoir à actualiser le fichier électoral. Pas de véritable lobbying pour obtenir les garanties que les élections seront organisées dans les délais, avant la fin du mandat du chef de l’Etat. Pendant ce temps-là, la coalition au pouvoir multiplie des ballons d’essai et réalise que l’opposition s’en dort : concertations nationales suivies d’un gouvernement d’union nationale qui ne vient que plus d’une année après. Puis à termes, la nomination des commissaires spéciaux à la place des gouverneurs élus pour gérer les provinces. « Kabila désire » ou la préparation d’un débat sur l’après Kabila avec Kabila. Mais aussi le fameux recensement de la population préalable à toute élection, même si là-dessus, l’opposition lèche une première victoire en bloquant ce recensement en janvier 2015, avec le soutien de la rue. Elle réalise qu’unie elle peut, mais ne s’organise pas réellement.
Mais malgré tout, cette opposition reste incapable de convaincre déjà au parlement et exploite mal des faiblesses du gouvernement qu’elle tente de limoger en visant Matata et des ministres… l’opposition proteste, crie, boycotte des plénières au parlement, et réussit avec la majorité à rendre « le temple de la démocratie », l’assemblée nationale, un sacré ring de boxe.
3. Difficulté d’adaptation aux véritables enjeux et dangers du moment : en 2011 l’opposant historique Etienne Tshisekedi manque sa dernière chance de couronner sa lutte pour la démocratie, parce qu’il croit gagner avec son seul parti, l’UDPS. Dans une interview sur RFI, Tshisekedi grille tout soutien d’autres opposants à sa candidature : « je ne me suis pas battu pour laisser ma place à un autre. » Le crédo : « le chef, la fonction et la clique » !
En 2005, l’UDPS appelait ses sympathisants à ne pas s’enregistrer sur les listes électorales. Un an après, ils ne pouvaient voter ni pour des militants du parti, candidats aux législatives, ni pour d’autres personnes pouvant les représenter dans les institutions.
4. « Le chef, la fonction et la clique » pèse aussi lorsque Mobutu s’enfuit après 32 ans de règne dur pur. Laurent-Désiré Kabila et l’opposition portée par Etienne Tshisekedi ne peuvent s’entendre. Des attaques extérieures, avec des citoyens congolais en tête, trouvent inconciliables, pouvoir et opposition. 20 ans des violences, 5 à 8 millions des morts, même si après, tous déposent les armes. Cette fois alors, il y a de l’opposition au pouvoir et dans le pouvoir ! 1 président + 4 vice-présidents qui se détestent presque cordialement.
5. Etre chef et faire comme Mobutu, sentiment dominant en 1990 lorsqu’affaibli, Mobutu se destitue de la présidence de la République en annonçant son départ du MPR, parti-Etat dont le chef, selon la constitution, était automatiquement le chef de l’Etat. L’opposition aima porter des cravates, se disputer et créer des partis politiques presque dans chaque tribu, sous le format mobutiste. Après tout, Mobutu était devenu l’archétype même du pouvoir politique.
Ni l’opposition, ni le pouvoir
Pas surprenant en effet. 11 jours seulement après la célébration de l’indépendance de la RDC, pouvoir et opposition échouent de s’entendre pour sauver la République lorsqu’éclate la guerre, puis des sécessions. Celui qui pense patrie, Lumumba, meurt le premier. C’est peut-être là que sont restés citoyenneté et patriotisme. Comment les reprendre, si même une simple stèle n’est pas dressée sur le lieu de l’assassinat de Lumumba pour qu’un jour peut-être, en s’y inclinant, quelque pèlerin ingère le sens du service public qui remonte du héros patriote ?
En attendant, jusque-là, la population n’a pas préoccupé des leaders politiques qui se sont succédé à travers les âges, à l’opposition tout comme au pouvoir. Des dictateurs et menteurs, il y en a eu à aussi l’opposition. Seules les personnes ont changé, les modes opératoires ont peu bougé. 

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