Quand les kinois disent « Telema »: les événements de Kinshasa du 19 au 22 janvier

« Telema », arrête-toi ou « debout ! » en lingala, langue parlée dans la capitale de la RDC, a été un des mots les plus utilisés aussi par les marcheurs que par les réseaux sociaux, surtout Twitter où textes et images ont circulé à grande vitesse.  Appel à rester « debout »  ou à arrêter, le concept prend du sens dans tous les sens, ou presque.
Certains ont perçu une confusion dans les revendications des manifestants qui ont perturbé le cours des choses à Kinshasa,  précipitant probablement le retour du président Dos Santos venu pour des accords bilatéraux, dans le transport, mais aussi parler de la situation de la RDC et des FRDL que l’ONU appelle à traquer. Mais quand on sait que l’opposition a appelé depuis samedi 17 janvier à faire reculer le parlement déterminé à voter la controversée loi électorale, le « telema » sonne comme « arrête » ou arrête-toi ! »
« Telema »
Mais là n’est pas le principal. En disant « Telema », sans doute les congolais se réfèrent à l’hymne national chanté pour la première fois le 30 juin 1960 à l’accession à l’indépendance de la République démocratique du Congo. Le « "Debout " Congolais», nom de cet hymne et premiers mots de ce poème d’un compositeur pris dans l’effervescence de « sortir » du joug colonial, est un appel à l’éveil. Pour certains, dans ce contexte, cet éveil appelle à l’éveil qui n’écarte n’ignore pas du tout des rixes. C’est le « se prendre en charge » répété à tout bout de chant en RDC. A propos de la défense de sa nation ou la constitution, le message est clair percute ou est torpillé, c’est selon ! Ce sens a beaucoup circulé lundi dernier 19 janvier à travers les réseaux sociaux.

Contre Joseph Kabila et son régime
Les rixes, il y en eu à Kinshasa, à Bukavu et à Goma. Mais aussi à Lubumbashi où des militants de l’UDPS qui ont voulu marcher le mercredi dernier auraient été arrêtés. Les kinois, du moins ceux qui sont descendus dans la rue, ne sympathisent pas avec le président Joseph Kabila. Un jeune homme interrogé par Rfi dit qu’il attend « que Kabila annonce qu’il ne se présentera pas aux prochaines élections » et il ne retiendra rien contre lui. Un autre lui, se montre moins conciliant. Seul le départ suffit, le régime ayant selon lui, échoué. Il en veut pour cause, le chômage difficile à évaluer.
Le changement
Les indicateurs économiques du pays montrent une bonne perspective depuis quelques années, la banque mondiale le confirme. Mais les effets ne sont ressentis nulle part. Joseph Kabila a cru que séduire les kinois avec des infrastructures imposantes comme le boulevard du 30 juin constituerait un gage de succès pour lui dans la capitale. Mais la faim et la pauvreté dans une capitale où circulent les proches des ministres avec des billets de banque, les critiques et le désamour ne tardent. « On ne mange pas les routes et les bâtiments », ironise un jeune homme. Il y a aussi la corruption qui gangrène plusieurs secteurs ; même la santé n’en reste pas moins touchée.
Il y a aussi et surtout, la volonté du pouvoir de mettre en pratique certaines initiatives récemment prises comme le découpage territorial qui divise au Katanga et au Sankuru au Kasaï Occidental. Mais aussi, cette loi qui fait du recensement de la population, un préalable aux élections. La seule question est : avec quel argent tout cela sera-t-il réalisé ? Le pays, en effet, ne dispose que d’un budget de moins de 9 milliards des dollars américains, pour près de 75 millions des citoyens repartis sur 2.345.000 m2 avec 26 nouvelles provinces, gouvernements provinciaux et assemblées provinciales à installe. Il y a de quoi douter. Les institutions à elles seules consommeraient au moins 60% du budget.
Le recensement
Difficile de comprendre que dans un pays où le dernier recensement remonte à la fin des années 80, on boude cette opération. Aussi, l’obstination du pouvoir à y arriver rebute. Dans ce pays où, à deux reprises, des chars des combats ont circulé dans la capitale en 2006 et en 2011 après les élections, chaque, fois, il vaut mieux poser les bases de la fin des contestations parfois honteuses à la fin des cycles électoraux. Mais la méfiance s’est érigée en norme inviolable.
Un contraste à Kinshasa le 19 janvier
Un contraste était dans la capitale congolaise lundi 19 janvier : l’Angola représenté par son président Edouard dos Santos. Une gifle, je crois. Ce pays sort d’une longue rébellion, qui a pris le temps que dure, presque, l’insécurité dans l’Est de notre pays. Jonas Savimbi est mort, il y a une dizaine d’années. Le pays s’est réunifié et la reconstruction est en marche. L’Angola autrefois craint par les congolais à cause de son insécurité, il est devenu un eldorado.
Qui a-t-on accueilli donc ? Un bel exemple de volonté politique de développement ? Dommage qu’il porte la tête d’un dictateur ! Pourtant il n’arrête pas d’impressionner le monde et même d’imposer son pays sur la scène continentale.

Dans un pays où grouillent des milliers de sans emploi et où la débrouille reste le seul moyen de survie pour les masses, au plus fort des maladies et de la faim, « Telema » peut se révéler encore plus dangereux si les politiques ne revoient pas leurs modus operandi. Surtout à l’heure des télévisions et radios sans frontières, à l’ère de l’ubiquité et de presque l’omniscience des internautes, après le Burkina, après les morts de Kinshasa Goma et Bukavu, … on devrait se méfier de ce qui peut nuire encore à ce pays.

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