EGLISES DE REVEIL A LUBUMBASHI: FAUT-IL REVOIR LA RELIGIOSITE DES CONGOLAIS?



Des fidèles en prière. Source: www.rnw.nl
Le champ religieux Lushois est depuis plusieurs décennies, caractérisé par un pluralisme religieux. Il existe d’un côté, les églises traditionnelles Catholique, Orthodoxe, l’Islam, Kimbanguiste, Protestantes regroupées au sein de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), etc. d’autre part, des églises de réveil. Ces dernières sont une appellation de tous ces mouvements religieux inspirés du pentecôtisme américain, qui poussent comme des champignons à Lubumbashi, dont les promoteurs font référence à l’article 22 de la constitution du 18 février 2006 : « Toute personne a droit à la liberté de religion, le droit de manifester sa religion, seul ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte, etc. » 
Façade de l'Eglie Le Moisonneur. Photo L2 SIC, UNILU, 2014.
Très nombreuses, au jour le jour, elles ne font que croître et on les rencontre de toutes sortes et de toutes formes, dans toutes les communes, tous les quartiers et toutes les avenues de la ville de Lubumbashi. Le moissonneur, située au croisement des avenues De la Révolution et Kamalondo,  par exemple, est une grande église, construite en matériaux durables et à étage. Sa clôture est crépie, dotée d’une barrière grillagée. Elle a une croix attachée au mur sur la face de devant.


Lorsqu’on y entre, son intérieur paraît d’un confort considérable. Les chaises où se mettent les fidèles, certaines sont de couleur blanche perceptibles dès l’entrée, d’autres en métal couvertes de housse, placées au tour de la chaire. Tous ces sièges on les retrouve au rez-de-chaussée. D’autres encore, de couleur bleue en plastique, sont soigneusement placées au balcon. L’aspect de ce temple de Dieu donne l’impression d’une église aux fidèles engagés et socialement stables. On pourrait bizarrement dire, comme les pensent certains, une église des boss, de gens friqués.
Pupitre d'une église de réveil à Lubumbashi. Photo L2 SIC, UNILU, 2014.
Par contre, l’église « Plantation de la gloire de Dieu », se trouvant à proximité de la faculté de psychologie, est ornée à moitié de bâches. Elle ne compte qu’une dizaine des chaines que l’on place occasionnellement les jours de cultes.
Il en est de même au quartier GAMBELA  II, à l’angle des avenues Du PDG et du Campus. Cette église, n’a qu’une capacité d’accueil de plus ou moins trente personnes. Pour tout mobilier : le pupitre et un amas des briques. Pour tout décor, il n’y a que la poussière.
Un Dieu sans abri ?
A la différence de l’église Le moissonneur, ces deux dernières vivent dans un dénuement total et reflètent une pauvreté accrue avec des infrastructures éloignées du standard moderne, une poignée des adeptes qui n’ont pour instrument que des bruits. Cependant, ce qui ressemble à toutes ces églises de réveil, c’est le sens de regroupement des personnes indépendantes, se croyant déjà sortir d’un sommeil quand elles étaient dans les traditionnelles églises, leurs églises mères. Pour montrer ce réveil à la face du monde, les fidèles prient à des voix tonitruantes et consacrent tout leur temps aux activités des églises jusqu’au point de sécher les travaux ménagers.
Un Dieu sans abri. Photo L2 SIC, UNILU, 2014.
Nombres de ces églises ouvrent leurs portes le jour de prière, principalement le dimanche à 8heures soit à 9 heures, voire 10 heures. Dès l’ouverture, ce sont les membres du service protocole, diacres et anciens des églises, que l’on trouve devant les portes, accueillant religieusement les chrétiens. Le pasteur bien véhiculé, habillé d’un costume à la mode et des chaussures brillantes, cravate serrée et nouée à la française. Quant il vient, il se repose dans son bureau, et n’entre à l’église qu’au moment de la prédication, accompagné d’une fille membre de protocole portant le sac contenant principalement la bible, les téléphones, les brochures, les enveloppes d’offrandes spéciales, sans oublier la tablette.
On dort huissier et on se réveille pasteur
Devenir pasteur ne nécessite pas de miracle à Lubumbashi. Intellectuel ou pas, lettré ou non ; à Lubumbashi, toute personne a la facilité de se créer une église. L’essentiel c’est de prendre sa bible et de se placer tôt le matin ou le soir le long d’une artère chantant acclamant et exhortant. Même la loi semble incapable de réglementer la création de ces églises. Incapable ? Espérons qu’il y en a même une à propos.
Miracles et guérisons sont les concepts les mieux maîtrisés. Alors que le monde lui-même, fatigué de grandes calamités, cherche toujours des solutions jusque là ignorées. On les cherche et on les quémande. Pourtant Jésus Christ est, le même hier, aujourd'hui et demain.
Un pasteur et ses fidèles dans une église. www.lecongolais.cd
Généralement, devenir pasteur, pour les églises de réveil, c’est une affaire qui concerne seul Dieu qui a le pouvoir de donner inspiration et capacité de prêcher la bonne nouvelle, de faire de qui que se soit, berger pour conduire les brebis, indique Ernest KAPITA, chrétien de Roc tabernacle. On les appelle bishops, archi-bishops, révérends, prophètes, apôtres, évangélistes, bergers. C’est facile de le devenir. Pasteurs ! Ils prêchent désormais un autre évangile. C’est l’évangile de prospérité. Ils promettent l'argent, et alors l'argent facile et miraculeux. L'or et l’argent appartenant à Dieu. Ils en sont les vrais dépositaires. Mais, comme rien ne naît du néant, il faudra semer. C'est-à-dire donner pour  recevoir.
C’est ainsi que la dîme devient une exigence sacrée, obligeant les fidèles d’aller chercher le sou. A l’impossible, frapper à la porte même d’un marabout pour avoir rien que la somme préalablement fixée par les pasteurs et à verser dans le temps imparti.  L'homme de Dieu est le nouveau lévite de l'ancien testament que les adeptes doivent nourrir et vêtir à la grande joie de l’église qui offre et s'en félicite. On ne sait même plus la différence entre dîme et offrande.
Elles poussent comme des champignons
Ben MWANDAMA, ancien de l’église Le moissonneur déclare : « l’église est appelée à croître. Jésus a dit allez, faites de toutes les nations des disciples. C’est sur ces paroles que se basent les églises de réveil pour justifier leur multiplicité. Pour moi, mieux vaut avoir plus d’églises que des bars. Les églises récupèrent les âmes perdues et éparpillées dans des débits de boissons, exposées à des pandémies de tout genre. Les églises de réveil sont multiples notamment les Pentecôtistes, les Branhamistes. Tous, sont ressortissants de l’église protestante. »
Dans ce phénomène Eglise de réveil, il y a des allochtones en costumes et en cravates. Toute sorte des comportements, parfois bien sains ! Etienne NGANDU, chrétien de l’église Amen Tabernacle confirme quant à lui que « les églises de réveil sont différentes des églises Branhamistes. Nous Branhamistes, nous croyons au message du temps de la fin prêché par le prophète William Branham. Ce qui nous différencie des églises dites de réveil c’est le fait que quand quelqu’un parle en langue pour les églises de réveil ; c’est synonyme d’avoir l’esprit saint. Ce qui n’est pas le cas pour nous Branhamistes, parce que quelqu’un peut parler en langue et n’est pas avoir l’esprit saint. »
A l’allure où vont les choses, les lushois doivent avoir les cinq sens en alerte pour distinguer les églises qui font la volonté de Dieu et celles qui sont dans le marketing pour s’amasser des chrétiens et des moyens financiers. Or, cela semble vraiment difficile, vu l’état de pauvreté dans laquelle plongent plusieurs. A cela, ajouter parfois le fait que la majorité reste faite des gens peu instruits, et donc facilement manipulables!
Construire l’église c’est l’affaire de Dieu
Freddy KAPEND, adepte du Centre évangélique la colombe, sur l’avenue Du 30 juin prolongée dit : « Jésus revient bientôt. Pour construire notre église, nous attendons le temps de Dieu. Bâtir une église n’est pas une affaire d’hommes, mais de Dieu. Car, c’est lui qui donne la vision et la provision ». Décidément, les arguments sont légions, les vues et visions de Dieu et de l’Eglise, incommensurables ! Dans ces églises, la seule activité au quotidien, ce sont des prières à la montage, les jeûnes à sec, des campagnes d’évangélisation avec au menu des grands thèmes tels que docteur Jésus, vivre la prospérité, le Dieu de miracle, l’heure de la délivrance, lèves-toi et marches, etc., une routine qui est à la base de tapages diurnes et nocturnes sans cesse. On se demande comment, avec une Ville, une nation aussi évangélisée, la pauvreté continue son sinistre cours ! Et s’il fallait revoir une certaine religiosité ?
 Article rédigé par :
ILONDO MASHIMBA, ILUNGA MUTSHIMA, KAMWASHI  WA SOMPO, 
KAPANDA MADALA, MULENDA  EPULE

Étudiants en Journalisme, Université de Lubumbashi, 2014.
                                                                                           

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