Une carrière minière à Kawama. Photo M3 Didier, 2014. |
Les témoignages recueillis auprès des
habitants de Kawama font état de 3 morts dont un jeune homme de 29 ans qui
semble le mieux identifié. Jusqu’à ce samedi, son corps n’était pas
retrouvable. Il aurait été emporté par les assaillants. Pourquoi faire ?
On ne sait pas. 3 morts, c’est au moins le chiffre qui semble concordant,
peut-être minimal d’après des témoignages divers. D’autres parlent de 5 morts.
Les trois ont pu être vus par les témoins qui ont fui la carrière.
Un
conflit non résolu
A l’origine du conflit, l’accès à la carrière
minière de Kawama, acquise par l’entreprise FOREST, une entreprise investie
dans les mines et dans la construction, au Katanga. Il y a plus d’une année, un
autre conflit éclatait dans le même village. Les creuseurs refusaient alors de
déguerpir malgré les menaces de la police et de l’entreprise qui avait acquis
la concession minière. Il fallait en plus, que le village soit délocalisé pour
laisser exploiter les minerais, le cuivre et le cobalt. Une issue à la crise,
il était décidé que le village habite le côté droit, en face de la carrière,
mais tout de même proche de celle-ci.
Un jeune creuseur à Kawama. Photo M3 Didier, 2014. |
Droit
de terre
Le principal argument à ce retour,
malgré le fait que l’Etat a régulièrement permis à Forest d’exploiter les mines
alentours, reste le jus solis, le
droit de terre. Ils y sont nés, y ont grandi et n’ont nulle part où aller. Plus
encore important est de constater que cette terre s’est révélée bénie, quoi de
plus normal que ses enfants imaginent en profiter les premiers. Comme d’ailleurs
les riverains profitent des ressources halieutiques ou les forestiers, du
ramassage et bien d’autres ressources. Seulement, pour les mines, c’est
autrement. L’Etat reste le seul qui autorise ou interdit. Mais quand il n’y a
pas eu de solution, c’est autre chose.
La nuit de ce samedi, la police a tiré à bout portant sur les creuseurs, certains étant dans les trous, sous la terre. Il y aurait même d’autres enterrés vifs. Une des victimes (tuée), Serge, est fils du coin. « On doit être libre ici à Kawama. C’est le village de nos ancêtres, on est chez nous (…) S’il faut tuer, qu’ils nous exterminent alors ! »
Le village Kawama, près de Lubumbashi. Photo M3 Didier, 2014. |
C’est ainsi clair. Les habitants de ce
village croient encore qu’ils ont des droits sur tout ce que contient « la terre de leurs aïeux ».
On aura beau expliquer par moment que l’Etat a le pouvoir sur tout et qu’’il a attribué
la concession à un privé.
De
la magouille dans les mines
Dans les carrières minières, tout le
monde a son but. Il y a ceux qui creusent, d’autres achètent, d’autres encore
rançonnent. Le conflit de ce samedi, semble tourner au tour de perception des
frais, des « droits » d’entrer dans les carrières. On se fout de
respecter l’interdiction d’accès aux privés et aux fraudeurs et creuseurs
artisanaux. Les accords n’auraient pas été respectés. Voici le récit d’un « rescapé ».
Un récit horrible.
Un creuseur de Kawama montrant une douille. Photo M3 Didier, 2014. |
« Nous
étions sur place, avec lui. On nous demande de l’argent, 200 USD. La première
équipe donne 200 USD, côté Kibasu (proche
de la même carrière). Du côté Forrest où
nous étions, poursuit-il, on donne 100
USD. C’est celui qui est mort qui a amené cet argent de façon qu’il travaille
lui aussi. Du coup, on se retrouve tous cernés, ils nous pourchassent avec des
balles. On s’est embusqué. Il était devant moi. Surpris, on lui a tiré dessus
au crâne, la balle est ressortie par le front. La balle est allée finir dans un
mur. A l’instant, il s’est écroulé. Je sors ma tête pour le regarder, le même
homme pointe encore sur moi. J’ai esquivé. La balle est passée au dessus. (…) J’ai
appelé au secours, un véhicule pour l’évacuer. Personne n’est venu. Il (le
policier) a tué à Kibasu et ici. Nous
sommes quand même partis prendre le corps. Là encore, ils nous jettent des gaz
lacrymogènes et refusent qu’on le prenne. Jusqu’ici, on ne sait pas où ils l’ont
amené. Ils nous accusent d’être des May-May, nous on n’est pas des May-May. Ce village,
il nous appartient. On profite de nos richesses, on n’a pas d’autre travail à
part ça. »
Des événements comme celui de Kawama
arrivent dans plusieurs carrières au Katanga où par moment, les intérêts des
agents de l’ordre entrent en conflit avec ceux de creuseurs ou des villages et
populations au tour des carrières minières. Ils y a environ un mois, les
creuseurs de Lupoto, proche de Kipushi, étaient eux aussi en colère, ayant été
expulsés des lieux où ils travaillaient. Un de leurs responsables, après une concertation
au niveau de Kinshasa, avait annoncé quelques jours après, qu’une solution
avait été trouvée : une nouvelle carrière où ils devaient aller creuser.
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